Imprimer la page

Maurice Martin, le goal volant des "Bleu et Blanc"

Il a été le gardien de but emblématique de l’US Dunkerque pendant douze saisons. De 1962 à 1974, Maurice "Riquet" Martin a vécu sur le rectangle vert les grandes heures du football dunkerquois : les premiers rôles en CFA, l’accession au professionnalisme, deux quarts de finales de coupe de France et les matchs au sommet de la deuxième division. International juniors, espoirs et militaire, il a également côtoyé l’élite du football française des années 1960-1970. Entretien avec le plus capé des joueurs dunkerquois (251 matchs).

Dunkerque & Vous : vous souvenez-vous de vos premiers pas sous le maillot dunkerquois ?

Maurice Martin : J’ai commencé à 10 ans avec André Tourte à l’école de football. Mon premier trophée a été la coupe de France "cadets" remportée en 1962 avec la sélection nordiste à Colombes, en lever de rideau de la finale de coupe de France Saint-Etienne-Nancy. Nous étions deux Dunkerquois sur le terrain : Claude Vanwormhoudt et moi.

Et vos débuts en équipe première ?

Je devais disputer un match de championnat le dimanche matin à Coudekerque avec les cadets de l’USD. On a enlevé mon nom de la feuille de match à la dernière minute, car les deux gardiens seniors étaient indisponibles pour la rencontre de CFA programmée l’après-midi même contre Enghien. Je n’ai pas eu trop le temps de cogiter. Nous avons gagné 3-0 ou 3-1 si ma mémoire est bonne. Je suis devenu titulaire du poste à 17 ans.

Vous vous êtes également distingué dans les équipes nationales de jeunes et en équipe de France militaire ?

J’ai eu la chance d’y côtoyer de grands joueurs comme Hervé Revelli, Georges Bereta, Didier Couecou, Charly Loubet, Jacky Novi ou encore Jean-Pierre Dogliani qui ont brillé en première division. Le Bataillon de Joinville demeure un grand souvenir avec, entre autres, une tournée aux Antipodes. C’est aussi la seule période de ma carrière où je me suis consacré au football à 100 %.

Vous n’avez jamais été pro à part entière ?

Le football à l’époque n’était pas celui d’aujourd’hui. Mon père qui était chef d’entreprise tenait à ce que j’assure mes arrières avec un "vrai" métier. Après avoir décroché mes deux Baccalauréats, je souhaitais intégrer le CREPS pour devenir professeur d’éducation physique. Ce que je n’avais pas prévu, c’est d’être recalé pour raison médicale, un vague problème de lombaire qui ne m’a pourtant jamais gêné dans ma carrière de footballeur. Déçu, j’ai résilié mon sursis pour rejoindre le Bataillon de Joinville. À mon retour de l’armée, j’ai commencé des études de kinésithérapeute. J’ai exercé ce métier jusqu’à l’heure de la retraite, à l’exception d’une parenthèse de deux ans (de 1991 à 1993) au cours de laquelle j’ai occupé les fonctions de directeur général du club, suite au départ du regretté Hervé Gorce à Nancy.

C’est également à cette époque que vous êtes sollicité par la prestigieuse AS Saint-Etienne ?

Je jouais au Bataillon de Joinville avec Hervé Revelli et Georges Bereta. Pierre Garonnaire, le recruteur des "Verts", m’a sollicité plusieurs fois. J’ai rencontré le président Roger Rocher à Geoffroy-Guichard. L’ASSE souhaitait préparer la succession de son gardien international Pierre Bernard pour lequel j’avais beaucoup d’admiration. Il était prévu que je sois sa doublure durant une saison avant de prendre le relais. J’ai hésité pour finalement renoncer. Je pense que si l’USD n’avait pas accédé cette année-là au professionnalisme, j’aurais rejoint le Forez. Et qui sait ce qui serait advenu de ma carrière ?

Vous avez joué deux quarts de finales de Coupe de France. Quels souvenirs en avez-vous conservé ?

On a très mal géré le match de Quevilly qui était alors au sommet du football amateur. L’arbitre nous refuse le but égalisateur juste avant la mi-temps et après il n’y a pas photo. Ils étaient trop forts pour nous ce 30 mars 1968. En 1971, contre Lyon, c’est différent : nous ne sommes pas favoris cette fois-ci et ça se joue en matchs aller-retour. A Gerland, on mène rapidement 1-0 à la surprise générale et on assure pendant une heure. Puis ça déraille bizarrement. On prend deux buts idiots sous des trombes d’eau pour finalement s’incliner 3-1.

Au match retour, Tribut était plein à craquer ! Ils nous ont pris au sérieux et n’ont pas traîné pour prendre deux buts d’avance. Mais on n’a rien lâché pour atteindre le coup de sifflet final sur le score de 2 à 3.

Quel est votre meilleur souvenir de footballeur ?

Il y a la prestation de l’équipe d’une part et votre propre prestation d’autre part. Et elle a son importance lorsque vous occupez un poste spécifique comme celui qui était le mien. Collectivement, c’est le 1/8e de finale de coupe de France contre Nice qui me revient en mémoire. Rendez-vous compte : nous  dominons copieusement le leader de la première division en 1968 sur le terrain "neutre" de Bourges. 0-1, ce n’était pas cher payé pour les Aiglons !

Individuellement, c’est un match sous le maillot de l’équipe de France militaire disputé à Rabat contre le club des Forces Armées Marocaines (FAR) qui n’était pas moins que l’équipe nationale du Maroc ! La veille du match, le journal local soulignait que j’étais le seul joueur de CFA de la sélection française. Le lendemain du match, la presse marocaine n’avait d’yeux que pour moi. Il est vrai que j’avais sorti le grand jeu ce jour-là !

Votre plus grand regret ?

Notre match contre le LOSC en avril 1973 sur la pelouse du stade Henri-Jooris. On joue bien, on rate un but tout fait en première mi-temps et puis la roue tourne en seconde période. Ce match qu’on perd 2-0, on aurait dû le gagner. Et si on l’avait gagné, on aurait su décrocher le ticket pour la première division ou à tout le moins celui pour le match de barrages.

Quel est le joueur qui vous a le plus marqué durant votre carrière ?

Je dirais Georges Lech. Il avait un talent fou, mais aussi un peu de nonchalance. Il aurait dû être le Platini de la décennie 60-70.

Comment jugez-vous l’évolution du métier de gardien de but ?

C’est de plus en plus dur nerveusement, car j’ai l’impression qu’ils ont moins d’arrêts à faire aujourd’hui que de mon temps. Il n’y a rien de pire pour un gardien de ne devoir négocier que deux ou trois ballons dans un match. Il faut rester extrêmement concentré.

Avez-vous connu des blessures ?

J’en ai connu une seule, mais sérieuse qui m’a tenu éloigné des terrains durant plusieurs mois. Un joueur lensois m’a fracassé un doigt. J’ai été plâtré puis opéré à Paris pour tenter de réparer les dégâts. Une fois rétabli, j’avais trouvé un système ingénieux avec un élastique pour maintenir mon doigt dans un axe favorable. Ca faisait rire les copains dans le vestiaire...

Vous avez arrêté votre carrière à 29 ans, alors que c’est le début de la maturité pour un gardien de but ?

N’oubliez pas que j’avais débuté très jeune à haut niveau et que j’assurais mon activité de kiné libéral à côté du foot. J’avais des journées à rallonge qui faisaient que je n’étais pas le plus assidu aux entraînements. A cette usure, j’ajouterai aussi peut-être de la déception. Nous avions terminé la saison 1972-73 à la 4e place. On visait clairement la montée pour l’exercice 73-74 et on a échoué. J’avais disputé tous les matchs de championnat cette saison là, mais je sentais bien que je n’avais pas affiché la même régularité qu’auparavant dans mes performances. La lassitude a pris le dessus et j’ai dit stop.

Avec votre ami André Bonnet, vous êtes les seuls joueurs dunkerquois à avoir été honorés d’un jubilé...

J’avais en tête de faire venir sur la pelouse de Tribut des joueurs de D1 que j’avais côtoyés au Bataillon de Joinville et en équipe de France espoirs. Pour des raisons d’organisation, cela n’a pas pu se faire, mais ce fut tout de même une belle fête le 17 septembre 1974. Lens, alors en première division, a présenté son équipe type en première mi-temps, avant de faire entrer quelques jeunes talents. Louis Bourgeois et Lucien Bonnet nous ont accompagné Dédé et moi sur le terrain pour la seconde période avec un dernier succès d’estime sur le score de 3-1.

Quelle était votre relation avec le public dunkerquois ?

J’avais de bonnes relations avec les supporters. Ils m’ont connu tout gamin et J’étais assez explosif, donc spectaculaire. Il y en avait bien quelques-uns qui appréciaient modérément que je privilégie les relances à la main, mais ça restait bon enfant.

Vous avez assisté le 11 janvier au dernier match avant la déconstruction de la tribune populaire. Que pensez-vous du projet de nouveau stade ?

C’est un bien pour la ville, pour le club et pour le football dunkerquois en général. Il a encore de belles pages à écrire et quoi de mieux qu’un nouveau stade pour retrouver la deuxième division !