Profitant d’une crique naturelle, les premiers Dunkerquois s’installent autour de l’an 800. Très vite, ils doivent faire preuve de courage et entamer une véritable lutte contre la nature…
Encore entourée de légendes et d’imprécisions, la fondation de Dunkerque se confond avec les brumes de la Flandre maritime et cache encore de nombreux mystères... Difficile d’évoquer avec précision les origines de la ville et l’installation des premiers Dunkerquois : la rareté des documents écrits complique le travail des chercheurs et ne permet pas de confirmer les hypothèses avancées quant à la naissance de la ville.
Tout a commencé avec l’installation des premiers habitants dans une crique naturelle, sur des sols libérés par le retrait de la mer. Si l’on se réfère à l’assèchement d’une partie des terres, la création de ce qui n’était alors qu’un simple hameau de pêcheurs se situerait aux alentours de l’an 800. Dunkerque est ainsi une agglomération "récente", comparée à des villes comme Bavay dans l’Avesnois, dont l’implantation remonte à l’époque romaine.
Dans ses premiers siècles d’existence, l’histoire de la ville est étroitement liée à la destinée de la Flandre, une "principauté territoriale" née du morcellement de l’Empire carolingien.
Dunkerque fait ainsi partie du comté de Flandre dès ses origines,le comte de Flandre étant lui-même un vassal du roi des Francs. C’est à Baudouin III, troisième comte de Flandre, qu’est attribuée - selon la légende - la création de la première enceinte de la ville aux alentours de l’an 960.
On ne peut avoir aucune certitude en ce qui concerne l’emplacement de la paroisse initiale. À ce sujet, les avancées de l’archéologie apporteront peut-être des éléments de réponse dans les années à venir... On peut d’ores et déjà imaginer que les premières fortifications devaient constituer un "centre" relativement limité, s’étendant au maximum de la Tour du Leughenaer à la rue Saint-Gilles. En fait de fortifications, il s’agissait d’ailleurs plutôt d’une simple palissade en bois...
Dunkerque, "église dans les dunes", doit son nom à l’existence d’une chapelledont l’emplacement et le nom, Saint-Éloi, posent problème aux historiens. Elle devait vraisemblablement se situer à l’extérieur de l’enceinte ; c’est ainsi que l’a dessinée Pierre Faulconnier sur le premier plan connu représentant Dunkerque à ses origines, document réalisé seulement en 1730.
En marge des hypothèses et des légendes, existent malgré tout quelques certitudes : la première mention écrite de Dunkerque, datée du 27 mai 1067, en fait partie. C’est en effet en ce jour que le comte de Flandre, Baudouin V (dit Baudouin le Pieux), accorde une charte à l’abbaye de Saint-Winoc de Bergues, qui permet à celle-ci de percevoir la dîme dans certaines localités, dont Dunkerque.
Avant d’apparaître comme une ville, Dunkerque est restée du IXe au XIIe siècle une simple bourgade. Ce retard dans la croissance urbaine s’explique par le fait que les hommes de la région ont dû d’abord résoudre le problème de l’eau : les fortes marées bien sûr, mais aussi la double inclinaison des terres de l’arrière-pays (à la fois nord-sud et ouest-est) dont le niveau inférieur à celui de la mer entrave parfois l’écoulement des eaux.
Si ces difficultés sont en partie résolues au XIIe siècle grâce aux premiers travaux (canaux, écluses, jetées, digues...) visant à la fois la protection et le drainage de la région maritime, il est certain que les premiers Dunkerquois ont dû se livrer à une véritable lutte contre la nature. C’est peut-être de là que ce peuple tire “la ténacité et le courage” qui le caractérisent.
Au XIIe siècle, la Flandre se trouve à l’apogée de sa puissance : c’est le couronnement d’une oeuvre lancée trois siècles plus tôt sous Baudouin II, le grand-père de Baudouin III. Les marchands de Saint-Omer ont joué un rôle déterminant dans cet essor : en important des laines anglaises et en exportant en retour leurs draps vers l’Angleterre, ils créent un commerce qui nécessite de bons ports pour maintenir sa domination.
C’est à ce moment qu’entre en scène Philippe d’Alsace (1168-1191), un personnage souvent méconnu des Dunkerquois et qui a pourtant eu une action décisive dans l’histoire de la ville. Philippe d’Alsace a bien compris que l’avenir se trouvait dans la puissance commerciale des villes et non dans les querelles de barons féodaux. Dans le but de développer son comté, il crée de nouvelles villes près des cours d’eau et du littoral, d’où son intérêt pour Dunkerque...
Philippe d’Alsace a donné ou confirmé plusieurs "keures", sortes de lois urbaines que les habitants devaient respecter. C’est également lui qui octroie à Dunkerque le droit de s’ériger en commune. Un événement dont la date n’est pas connue des historiens mais qui constitue un premier pas vers "l’autonomie". On lui doit surtout le plus ancien document où Dunkerque est qualifiée officiellement de "ville". Il s’agit d’une charte datant de 1183 dans laquelle Philippe d’Alsace exempte les bourgeois de certains droits de péage sur le trafic des marchandises, encourageant ainsi le développement du commerce.
Il a également été l’instigateur des travaux tendant à stabiliser le cordon dunaire : une réalisation fondamentale car la création des canaux a sans doute ouvert la voie à l’expansion future de notre agglomération.
Sur le plan économique, les initiatives de Philippe d’Alsace ont été nombreuses et réalisées avec un tel esprit novateur qu’on peut parler d’un véritable "plan d’aménagement du territoire" avant l’heure. Autre fait significatif marquant la naissance de l’identité de la commune : en 1226, Dunkerque possède son propre sceau qui, par la représentation d’un poisson, met en valeur la pêche, activité initiale du hameau.
La ville, reconnue en tant que telle, commence à prendre de l’importance. Au début du XIIIe siècle, Dunkerque figure ainsi parmi la trentaine des principales "cités flamandes" qui font serment de fidélité au roi de France. Pourtant, elle ne connaît encore qu’un essor relatif, n’appartenant pas à la Hanse (ligue commerciale des villes du nord de l’Europe).
Gravelines, lancée plus tôt, est mieux placée par rapport à Saint-Omer dont elle sert d’avant-port. Une prédominance qui va s’estomper progressivement à partir de la fin du XIIIe siècle-début du XIVe siècle...